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Libération
Critique

La pensée de gauche maladroite

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publié le 12 septembre 2003 à 0h58

Sur la scène, la silhouette de Jessica Lange, instable et timide, frémit. Le Festival de Deauville lui rend hommage cette année avec une rétrospective à l'image de l'actrice : une filmo moyenne avec de grands moments. Elle sait parler aux Français (et dans leur langue) : «Mon premier contact avec ce pays, c'était dans ma jeunesse, à Paris... en mai 68 ! C'était fantastique : ma vie en a été changée pour toujours.» Tonnerre d'applaudissements tout à fait incongru dans le contexte ruisselant d'argent et de privilèges de Deauville, pas franchement un nid à soixante-huitards et, déjà à l'époque, plutôt une base de repli pour les d'Ornano. Encore une petite louche : «Je voulais aussi vous dire que beaucoup de gens en Amérique soutenaient la position de la France contre la guerre en Irak.» Ovation.

On ne remet bien sûr pas en cause la sincérité de l'adorable madame Lange, mais les très fréquentes déclarations de ce type, provenant d'Américains soucieux de nous plaire, accentuent ce vieux paradoxe : Hollywood est historiquement «à gauche» (relativement au spectre politique américain s'entend) et la ville de Deauvillle, qui lui fait tapis rouge, structurellement «à droite».

Usine de tracteurs. Le film que Jessica Lange présente ici en avant-première, Normal, est d'ailleurs l'enfant direct d'une certaine gauche américaine et de ses évolutions idéologiques récentes : l'apprentissage du cross gender (la confusion des genres sexuels), de la correction politique et l'assimilation des reche