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Libération

Le moi au chapitre

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Jean Cocteau écrivain excellait dans l'autobiographie.
publié le 25 septembre 2003 à 1h07

Nul mieux que Cocteau n'a écrit sur Cocteau. Pour le connaître, il est donc inutile de lire l'énorme biographie hystérique que lui consacre Claude Arnaud (Jean Cocteau, Gallimard). L'écrivain et artiste y devient, comme une femme battue sur TF1, la victime définitive : celle de l'affreux monde intellectuel parisien. Cocteau n'a pourtant pas si mal vécu ; il avait beaucoup d'amis ; son talent était reconnu ; les clichés et les haines qui l'accablaient l'ont nourri. Mais, pris par une sorte de transe coctaldienne, Claude Arnaud en vient, avec les réserves de circonstance, à tout justifier. Son héros-et-martyr a ainsi quasiment eu raison de tant dîner avec les Allemands pendant la guerre, puisqu'ils le protégeaient des collaborateurs français. Ceux-ci, en effet, insultaient et menaçaient l'homosexuel opiomane qu'il était. De là à en faire un pauvre «occupé» (c'est le titre du chapitre concernant cette époque), il n'y a qu'un pas de l'oie, aisément franchi par l'auteur, avec cette question sous-jacente adressée au lecteur récalcitrant : «Et vous, pendant la guerre, qu'auriez-vous fait ?» Avec ce genre d'argument, la responsabilité politique disparaît.

Plein de chagrin. La biographie martyrisante est à la mode. Il s'agit de «réhabiliter» ou de «sauver» un grand homme... que personne ne songeait à détruire. On écrit contre les ennemis qu'on s'invente, contre la mémoire qui s'efface, contre des fantômes. On copie le style de son modèle, on le défend à outrance, on s'énerve. Et on fi