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Libération
Critique

La géographie intime d'un peintre voyageur

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Un livre érudit sur les traces de Gauguin.
publié le 3 octobre 2003 à 1h14

Il existe un beau paquebot qui effectue des croisières en Polynésie : le Paul-Gauguin. Pour le baptiser, ses propriétaires contactèrent au Danemark les descendants du peintre. Son arrière-petite-fille fut invitée en 1998 sur le bateau. Cette anecdote, relatée par Jean-François Staszak, donne le sens de son livre érudit, clair et précisément illustré, avec renvoi didactique du texte aux oeuvres : comprendre «dans quel monde vivait Gauguin», mais aussi quelles images du monde primitif son génie, chargé de fantasmes et de préjugés, a décanté en nous.

Jean-François Staszak est géographe. Reprenant pas à pas l'itinéraire de Gauguin, détaillant son contexte économique, imaginaire et social, retrouvant les traces de sa postérité artistique, littéraire et touristique, il montre comment le peintre offre un héritage «paradoxal». «D'un côté, à travers l'histoire de l'art et le mouvement primitiviste, il est à l'origine d'une (ré) habilitation des arts et donc des peuples "primitifs", et peut ainsi nourrir l'anticolonialisme.»

De l'autre, il demeure, surtout au début, un colon armé de préjugés et de stéréotypes que ses puissantes peintures transcendent mais véhiculent : «A l'instar d'un Loti avec lequel il a beaucoup en partage, il est utilisé sans problème par la propagande coloniale.» En particulier lors de l'Exposition coloniale de Paris, en 1931, où il devient un chantre de l'âge d'or perdu pour Occidentaux compliqués. Ce livre permet d'entrer dans le monde violent du peintre et dans