Haut les masques, «Tikis» (1), fétiches, proues de pirogues, gourdes gravées et autres plaques de tatoueur ! Ce ne sont pas des tableaux qui accueillent le visiteur de l'exposition Gauguin, mais une enfilade de photographies anciennes et d'objets du Pacifique. Ceux d'Océanie ou de Nouvelle-Zélande, que Gauguin pouvait connaître en France, pour les avoir vus au Musée ethnographique du Trocadéro, les avoir découverts en reproduction dans les traités de religion polynésiennes, ou les comptes rendus d'expéditions. C'est un bagage de savoirs disparates que Gauguin chargea avec lui, s'embarquant vers Tahiti après qu'il eut déjà fait le tour du monde : Pérou, Brésil, Copenhague, Rouen, Pont-Aven, Arles, Panama...
L'artiste partait dans l'au-delà de l'Extrême-Orient pour y «être tranquille, enfin débarrassé de l'influence de la civilisation (...), sans autre préoccupation que de rendre, comme le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau avec l'aide seulement des moyens de l'art primitif, les seuls bons, les seuls vrais». Mais contrairement à son voeu de chasteté culturelle, le peintre éminemment voyageur (lire ci-contre) que fut Paul Gauguin tira largement sur ses ressources documentaires, bien plus que sur la vision directe de la vie là-bas. Sous la plage, déjà la culture. D'abord parce qu'à Papeete, lorsqu'il y arriva en 1891, il n'y avait déjà plus rien. L'île idyllique à p'tites vahinés, nostalgiquement décrite par Pierre Loti (le Mariage de Loti, 1882), était défaite par