«Je suis albanais, mais je suis artiste», dit-il aux policiers italiens qui l'interpellent, dans la vidéo projetée sur un mur d'eau à la Biennale de Tirana. Cette eau de mer, Adrian Paci l'a tirée, bidon par bidon, du canal d'Otrante séparant l'Albanie de l'Italie, là où des milliers de compatriotes ont fui leur pays à l'agonie écrasé par cinquante ans d'un des régimes communistes les pires de la planète, puis par une décennie d'anarchie capitalo-mafieuse.
After the Wall There Are Some Walls barre l'entrée de la biennale d'art contemporain, manière de souligner d'emblée quel chemin il faudra parcourir pour sortir l'Albanie de son isolement, pour simplement oser parler d'art dans ce con fetti balkanique maudit. Et poser la question qui fâche, celle du fossé culturel béant que creuse l'Occident et son marché de l'art concentré avec les Balkans, la Chine, l'Inde ou Cuba, tous considérés comme les «bords» de l'empire.
Organiser une biennale d'art contemporain à Tirana est un «rêve» revendiqué par Edi Muka et Gëzim Qëndro, les directeurs. «Puisqu'on n'a rien» : ni infrastructure, ni argent, ni tradition artistique, encore moins de public. Même si la première édition, en 2001, avait attiré 20 000 visiteurs, en majorité albanais. Pour qui et pour quoi donc aller organiser un événement à ambition internationale dans le pays le plus pauvre d'Europe, celui dont on ne parle que pour évoquer sa mafia (le parc auto albanais était inexistant il y a dix ans, aujourd'hui, les rues de Tirana s