En dix ans, «l'école bébête» a fait souche. Chaque saison livre depuis son lot de chanteurs gagnés par les enfantillages de Katerine et les fantaisies lunaires de Mathieu Boogaerts, cet air de ne pas y toucher, une manière de prendre le sentimentalisme à rebrousse-poil, par le second degré et une distanciation des écrans mélo. Dans ce style en comptines désengagées, des amateurs de Dick Annegarn et Georges Brassens déclinent un minimalisme de guitare sèche et d'instruments jouets baptisé «nouvelle chanson française», alors qu'il croisait l'intimisme fluet de Dominique A. Tandis que Boogaerts et M offrant par ailleurs des modèles d'exigence en spectacle affirment la volonté de s'ouvrir plus franchement à leurs tourments, trois jeunes gens prennent la relève des thés dansants pop.
Jérémie Kisling... Dans l'absurde poétique, c'est le plus dense des trois. Originaire de Lausanne, ce grand blond évoque d'abord Katerine. Flegme au coin des lèvres, il ne se cantonne pourtant pas à une approche gratuite d'entrechocs surréalistes : «J'ai bâti ma maison entre deux pharmacies/Suspendu mon balcon hors d'atteinte des filles.» Dans son premier album issu d'une autoproduction, ce fils d'architecte cache un puits de tristesse sous un vernis frivole ; une façon de se protéger d'une mélancolie attrapée dès le plus jeune âge, comme une maladie. Souvenirs de tabassages à l'école, le garçon renfermé conserve à l'écart des grandes gueules une gravité pince-sans-rire.
Jérémie Kisling a étudié le