Il appartenait à cette génération des vocalistes «grand style». A ces bêtes de scène puissantes et généreuses, qui fascinèrent les foules. A ces athlètes du bel canto et du vérisme, dont la raréfaction pose de plus en plus de problèmes aujourd'hui aux directeurs de théâtres, et dont un Roberto Alagna tente d'assurer la relève. Formé au conservatoire de Pesaro, Franco Corelli s'était signalé dans les années 50, partenaire de Callas à la Scala, puis de Leontyne Price au Met, devenant un Manrico, un Don José, un Calaf de légende, doté il est vrai d'un physique au diapason de ces rôles naïfs, hauts en couleur, d'une grande noblesse de coeur et d'idéal qu'il aimait incarner. Lui-même était fasciné par Caruso, dont il écoutait inlassablement les enregistrements et n'hésitait pas à imiter le style.
Ses détracteurs fustigeaient son culte de l'effet au détriment parfois du texte musical. En l'occurrence, une batterie de contre-ut avec lesquels il tentait d'écraser ses rivaux. Le public, la critique et les directeurs de théâtre d'aujourd'hui n'accepteraient sans doute plus ces manières de diva, ce culte de la personnalité, cet étalage de vie privée, qui accompagnaient toutefois des talents également superlatifs. La Callas déprimait sur le yacht d'Onassis, Karajan frimait dans son avion privé, et Corelli jouait les play-boys en Maserati. La vie se confondait de plus en plus avec la scène, et lorsque la voix aura perdu de sa puissance, de sa justesse, de sa brillance, Corelli choisira de