La saison des prix littéraires est celle où les feuilles tombent et les auteurs sourient. L'écrivain souriant est une création commerciale. A la télé, c'est par exemple quelqu'un qui a passé des mois ou des années à écrire un livre. Il est donc un peu crispé. Mais il vient sourire là, sur le plateau, entre une actrice refaite et un comique d'occasion, à ceux qui le liront peut-être. Si le tour de piste est bon. Un écrivain de plateau est presque une créature de jeu vidéo. On appuie sur le bouton rouge et il sourit à gauche ; sur le jaune, et il applaudit à droite ; sur le vert, et l'animateur brandit son livre au centre. L'écrivain chilien Roberto Bolaño est mort l'été dernier, à cinquante ans, avant d'être célèbre. Il n'a pas eu le temps de sourire. L'aurait-il fait ? On ignore quand ce sourire vous prend. Mais ensuite, il ne vous lâche plus. Vos lèvres sont tirées par des pinces à linge fixées au gras des joues, à la courbe des ventes. Bolaño avait pas mal bourlingué, écrit des merveilles méconnues. Il était généreux, sympathique. Il donnait une forme allègre et féroce, une délicatesse au désespoir. Il se savait malade. Il a réussi son contre-la mort. En Espagne, Anagrama publie un recueil de textes posthumes pas encore traduits, El Gaucho Insufrible («Le Gaucho insupportable»). Bolaño y parle justement des écrivains souriants. Il écrit : «Les écrivains actuels ne sont plus des fils à papa disposés à dénoncer la respectabilité sociale et encore moins un petit troupeau d'in