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Libération
Critique

Regard moderne dans le rétro Beat

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par Séverine PIERRON
publié le 7 novembre 2003 à 1h45

Du sol au plafond, des milliers de bouquins. En vrac. Condamnant les portes, barrant le passage. Un vertige d'étagères, pliant sous le poids des Ballard, Vaneigem, Pierre la Police, Lovecraft, Crumb. Ici, le Cantique des Cantiques, en équilibre précaire, côtoie au hasard une série de comics américains défraîchis, un bouquin de Bataille, un roman graphique de Chris Ware.

Là, des revues érotiques, des flip-books, des romans pulp, à même le sol. Dans un coin, Betty Page fait des clins d'oeil à ce vieux salaud de Bukowski. «Du bordel, ici ?», le libraire prend un air contemplatif, perdu dans les volutes de sa cigarette molle. «Chaque livre a sa place. Mais ce sont eux qui dirigent. L'ordre alphabétique, y a rien de plus ennuyeux.» Punaisé au mur derrière lui, William Burroughs acquiesce. En 1958, le vieil esthète junkie habitait en face, au 9 de la rue Gît-le-Coeur. Et achevait, dans la chambre 15 de l'hôtel miteux ( devenu quatre étoiles depuis) son Festin nu.

La légende veut qu'Allen Ginsberg, Brion Gysin, Gregory Corso et Jack Kerouac aient eux aussi séjourné dans l'hôtel. Ces fantômes littéraires réjouissent Jacques Noël, ermite du lieu, fan des Ramones, et libraire par religion depuis trente ans : «La Beat Generation, c'est de la poésie, c'est du jazz, c'est de la vie. C'est fouler la terre avec des bottes de sept lieues.» A deux pas de la rue Saint-André-des-Arts, artère commerçante drainant les touristes américains en trekking sur la rive gauche, Un Regard Moderne est une t