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Libération
Critique

Sillons d'Amérique profonde.

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publié le 7 novembre 2003 à 1h45

Dans son genre, la pochette n'est pas mal : papa, maman, fillette et garçonnet se tiennent la main dans le jardin, loin de l'école et des ghettos. On pourrait croire à une plaisanterie, mais The American Song-Poem Anthology est une affaire sérieuse. Un travail de bénédictin musicologue : Phil Milstein, 46 ans, informaticien. Il fallait de l'abnégation pour s'attacher au pan le plus méconnu de la musique populaire américaine, mais aussi à l'une des plus belles arnaques par correspondance.

Embrouille rentable. Dès le début des années 60, via des réclames dans des magazines bon marché (identiques à celles des bagues miraculeuses dans les revues françaises), les principales maisons de disques américaines font la cour aux poètes dilettantes : «Nous voulons lire vos textes. Débutants bienvenus. Ecrivez les mots tels qu'ils vous viennent à la bouche. Nous vous dirons gratuitement ce qu'ils valent.» Entrée libre, sortie payante : après examen, on demande de l'argent aux aspirants songwriters, de 50 à 500 dollars, «pour couvrir une partie des frais de production», la maison de disque se chargeant du complément et de la promotion pour que le titre devienne un tube. Le texte est mis en musique à l'aide d'une rythmique simpliste et d'un interprète.

Evidemment, le produit n'est jamais envoyé aux radios. Ni distribué dans les magasins. Seule une poignée de copies sont pressées puis adressées à l'auteur, qui voit son nom inscrit en lettres dorées sur la pochette. Pour que l'embrouille soit p