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Libération
Critique

Serge Daney, jeu, scène et match

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publié le 19 novembre 2003 à 1h57

Serge Daney ne supportait pas le théâtre. «De l'ennui, trop d'ennui», disait-il. Peut-être parce qu'il n'a jamais pu voir de spectacle monté par Sentimental Bourreau, peut-être...

Sûrement parce qu'il n'était pas dans le rythme du théâtre : question de pulsations, puisque le cinéma, le vrai, bouge avec le monde, le réel, tandis que le théâtre, le faux, évolue sans le monde, enfermé sur sa scène. Monter au théâtre du Daney, c'est donc a priori comme se tirer une balle dans le pied ou, pour reprendre une de ses métaphores favorites, le tennis, commencer un tie-break avec trois points de retard.

Un premier point parce que Serge Daney n'écrivait pas pour le théâtre mais des critiques de cinéma (aux Cahiers, à Libération, à Trafic), un deuxième parce qu'il n'aurait jamais imaginé cela, jusqu'à sa mort, du sida, en 1992, un troisième à cause de l'ennui, justement, l'ennui...

Tempo. En contre-pied permanent, Mathieu Bauer et Sentimental Bourreau ont fondé tout ce spectacle-Daney sur le rythme : c'est musical, ça parle, ça joue, ça hurle, c'est du tennis, de la vitesse, des petites scènes, uniquement du tempo.

L'unité de mesure est l'échange de tennis, ce que Serge Daney aimait, commentait, et le temps du spectacle est donné par l'heure et demie qui sépare le tie-break du quatrième set, de la balle de match qui donne la victoire à Borg sur McEnroe, en finale de Wimbledon 1980. Exactement ce qu'on voit sur l'image-écran qui sert de fond de scène au spectacle.

Tout tient dans ce temps-là,