Chez Johannes von Saaz (1350-1414), la mort est homme, grand seigneur, mais pas bon prince. Sa face de carême, issue du néant d'une scène nue et noire en demi-cylindre, toise en ricanant le pauvre laboureur penché sur la tombe de son épouse partie trop tôt, en maudissant celui qui l'a ravie.
Christian Schiaretti est un archéologue. A la tête du TNP de Villeurbanne, après avoir dirigé, en déclinant, de Delteil à Péguy, la légende de Jeanne d'Arc à la comédie de Reims, il aime à exhumer des textes mal connus, tel ce Laboureur de six siècles d'âge. Rédigé, dit la légende, en une nuit dans la colère et le deuil, par un employé aux écritures de la chancellerie impériale de Prague, devenu sur le tard écrivain public et maître d'école de la petite ville de Saaz, au coeur de la Bohême.
Peste bubonique. Si la région est épargnée par les ravages de la guerre de Cent Ans, elle n'échappe pas à un autre fléau, la peste bubonique, qui réduisit d'un bon tiers la population de l'Europe. On a beaucoup glosé sur le Laboureur de Bohême, que d'aucuns considèrent comme annonciateur des grands textes humanistes, d'Erasme, de Thomas More et de Rabelais. Il est vrai que ce laboureur, en criant à la mort son refus, remet en question rien moins que la cosmogonie dominante. Voilà pour le contexte.
Afin de servir cette oeuvre sur un plateau, qui ressort du genre de l'altercatio, dispute littéraire sous forme de dialogue, Schiaretti et le traducteur Dieter Welke ont taillé dans l'original pour les besoins