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Libération

Jeanne lacane

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publié le 21 novembre 2003 à 1h59

Jeanne Balibar occupe la même place cocoonique que Carla Bruni au printemps. Mais c'est moins l'ambiance boiserie véritable/confort électrique de son album qui fait symptôme qu'un titre précis de celui-ci, Pas dupe. Jeanne y répète langoureusement «Je ne suis pas dupe...», narrant la douloureuse économie de paroles à l'oeuvre dans une relation amoureuse («je t'aime, même si je le dis peu»). Devenu rengaine, ce «je ne suis pas dupe» déborde rapidement le strict champ amoureux. Des animateurs radios l'ont bien capté. Ils se servent parfois du titre comme trampoline éditorial. Lancer en effet «Je ne suis pas dupe» juste après avoir soutenu

au micro, courageusement, que «Sarkozy ou la guerre en Irak, c'est mal», c'est profiter d'une bande-son porteuse, d'un précieux soutien stylistique, faire, à peu de frais, de son message un hit. C'est «esprit pas dupe» est assez typique par exemple de Pascale Clark, à la fois animatrice sur France Inter et Canal + dont les éditos, souvent bien pensants, résument bien cette course à la non-duperie bobotte qui caractérise beaucoup d'urbains névrosés de gauche en Converse. Quand Jeanne chante «Je ne suis pas dupe», elle lance involontairement un clin d'oreille, un signal de reconnaissance à tous ces faux rebelles without a pause, à qui on ne la fait pas. Même si le titre a été écrit très ludiquement, selon le dossier de presse, «parce que la lettre p, c'était l'enfer en prise de son», décrétons qu'elle incarne pour la semaine la virgule sonore du