Bouche à oreille, cercle d'initiés, Francis Kurkdjian n'a pas de boutique. Il préfère qu'on prenne rendez-vous, recommandé par quelqu'un. Fou de parfum comme tous ses clients, cela va sans dire. Un premier entretien dans le lieu de son choix. «Il faut que la personne se sente en symbiose avec l'endroit où elle se trouve, insiste le jeune créateur de fragrance sur mesure. Comme c'est une clientèle plutôt internationale, cela pourra être dans le lobby d'un grand hôtel. Une fois, c'était dans les jardins du Palais-Royal, car, pour cette personne étrangère, ces lieux magiques, hors du temps, symbolisaient une certaine idée de la France.» De là, le parfumeur établit un profil olfactif : «Je ne pars pas de la physiologie de la peau, j'essaye plutôt de comprendre la psychologie de l'individu. Le parfum, c'est de l'être et du paraître. En posant des questions sur les goûts en matière de parfum, même si d'emblée ils semblent très divers, je cherche le fil d'Ariane, je dégage une trame.»
Puis on fait sentir les matières premières comme dans un orchestre on fait sonner le hautbois, entendre les violons. Le jasmin d'Egypte, par exemple, a une odeur plus animale, l'indien une note plus fruitée. On casse les a priori. «Avez-vous déjà senti un vrai grand patchouli, dont la feuille a séché pendant deux ans et qui a vieilli à l'ancienne dans des fûts de chêne ?» Premiers essais, premières «esquisses», enfin l'oeuvre, le parfum qui pourra être figuratif (où l'on reconnaît le cèdre, le vétiver.