C'est un havre de silence au milieu du brouhaha. Dans la salle d'art graphique du Musée national d'art moderne, les blancs dessins de Roni Horn, artiste américaine (née en 1955, connue pour ses sculptures et ses photographies), imposent un intensif travail de perception, presque d'imprégnation visuelle. Leur construction complexe provient du dépenaillement de larges feuilles de papier, préalablement marquées de pigment. Découpées en lamelles, démembrées en morceaux, ces feuilles sont minutieusement réassemblées. Les Papiers découpés d'Henri Matisse nous ont appris que dessiner consistait parfois à découper, «sculpter dans la couleur». Roni Horn s'explique sur ses dessins, au-delà de l'acception conventionnelle du terme, exposés à Paris pour la première fois.
Avec vos dessins, le spectateur s'engage-t-il dans un exercice spirituel ?
Je parlerais plutôt d'une d'expérience de pensée. La beauté du dessin (drawing) est dans cet acte. Par ce terme, drawing, dans ses différentes implications, il s'agit du processus d'engager, d'investir, de tirer (to draw), d'attirer, bref de créer une relation qui vous sort de vous-même. Qu'il s'agisse de sculpture, de photographie, d'installation, que je me promène dans la rue ou que je sois dans l'atelier, tout ce que je fais a été influencé par le langage du dessin. Pas dans sa définition classique, qui consiste à appeler dessin des lignes qui circonscrivent un contour, une histoire. Il y a trente-six autres versions du dessin : faire le point, métamorphoser, inscrire, toutes activités dialectiques. Il s'agit toujours