Dans les deux films, on retrouve le même totem. Ce gros bec d'oiseau de proie qui figure dans In the Land of Headhunters d'Edward S. Curtis et dans la scène finale de Dead Man de Jim Jarmusch. Le premier film datant de 1914 et le second de 1995, ce ne peut être là qu'une belle coïncidence ou une sorte d'intelligence mystérieuse entre cinéastes. Voilà en tout cas le genre de rapprochement qu'affectionnent la revue Cinéma et Danièle Hibon, responsable de la programmation audiovisuelle du Jeu de paume. Ensemble, ils proposent un choix singulier, une sorte de montage d'une trentaine de films rares, anciens ou contemporains. Une nouvelle lecture d'images patinées, mais aussi une vraie conversation entre les films.
Tourné chez les Indiens kwakiutl au début du siècle dernier, In the Land of Headhunters est une sorte de documentaire ethnographique, un temps perdu, dont on ne retrouva une copie qu'en 1973. Ces «coupeurs de têtes», qui rejouent pour Curtis des rituels déjà oubliés, se retrouvent alors nantis de faux sons directs qui accentuent encore l'étrangeté de ce «film fantôme» où les temps se superposent comme dans un mille-feuille.
Croquis de décors. Autre spectre, dont il ne reste que des archives, photos de plateau ou croquis du décorateur, 4 Devils de Murnau. Cela suffit à Janet Bergstrom pour s'essayer à une poignante reconstitution imaginaire d'un film mis en morceaux, Murnau's 4 Devils : Traces of a Lost Film. «Ce n'est pas la vie, mais son ombre. Ce n'est pas le mouvement,