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Libération
Critique

Si triste armistice

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Avec «Guerre», du Suédois Lars Norén, mis en scène à Nanterre, plongée brûlante vers la tragédie de la fin de l'amour.
publié le 2 décembre 2003 à 2h09

C'est un spectacle aride, et beau. Un de ces moments qui ne vous laissent pas indemnes. Et cependant vous fortifient. Un laps d'énergique théâtre. Laissant trace. Matins, après-midi et soirs durant, Guerre continue de vriller votre esprit, vous extrait de vos mesquins stratagèmes de bien-être, sinon de savoir-vivre. Guerre est le titre de la pièce de Lars Norén. Même si le dramaturge suédois dépeint le temps d'après les hostilités, c'est bien de la guerre qu'il parle, des conséquences d'icelle.

A travers les corps, les regards, et ces silhouettes lasses en leurs allées et venues, hésitantes, coléreuses, dubitatives, espérantes, excédées, tâtonnantes, taciturnes, insistantes, résignées, ou non... A travers les voix de cinq comédiens, protagonistes déboussolés, tourneboulés... L'auteur met lui-même en scène, et en lumière très crue, l'universel désarroi de ces époques désignées et ressenties, toujours et partout, comme césures dites «d'après-guerre».

Un conflit semble s'être éteint, un armistice a pu être signé : a sonné le temps du retour des soldats, le temps aussi où les combattants morts ne réapparaissent pas, où les plaies brûlent, où les cervelles trop saturées de douleurs ne peuvent ni absorber ni admettre davantage. Une parenthèse se ferme. Des trous béants cherchent en vain à cicatriser dans une odeur confuse de retrouvailles impossibles, de dialogues impraticables, de malentendus forcenés. Primo Levi a noté tout cela tellement bien dans la Trêve : l'angoisse ténue et p