Nous sommes en 1909, le cinéma n'a pas 15 ans mais, depuis que les frères Lumière ont jeté l'éponge (en 1903), le documentaire se résume à d'aphones actualités filmées. Cette même année, le banquier français Albert Kahn revient d'un voyage philanthropique de deux ans autour du monde. Il en ramène des vues sous forme de plaques stéréoscopiques et de films nitrate réalisés par son chauffeur, Alfred Dutertre.
A les regarder, lui vient l'idée d'une encyclopédie des peuples en image. Un inventaire des mondes avant mutation, voire disparition. Kahn confie alors la direction des futures Archives de la planète à Jean Brunhes, promoteur de la géographie humaine au Collège de France. L'aventure occupera des opérateurs (une dizaine), de la pellicule (162 000 m), des continents (cinq) sur des années (vingt-trois). En 1932, Kahn, ruiné par le krach, interrompt le rêve.
Au musée Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt, cette collection, tour de Babel vertigineuse, garde un pouvoir de fascination intact : le parfum de ces courts films envoûte, leur intelligence subjugue, le but scientifique n'est jamais ici un prétexte. Aucun film ne tombe dans le travers de regarder le monde depuis le point de vue du Blanc. On se souvient surtout d'un sentiment d'apesanteur et d'utopie.
Stimulante. Une cinquantaine de ces films, réunis par le service audiovisuel du Louvre en un montage d'une heure quinze, seront projetés ce week-end au Palais de Tokyo. Pour les accompagner, Laurent Garnier. Rencontre étrange mai