Cravate verte, pull sans manches tricoté main, lunettes dans leur étui, Erich Lessing a conservé l'élégance raffinée des grands reporters de sa génération, et un humour à toute épreuve. «Quelle vie d'idiot !», dit-il en reposant son téléphone portable, incroyablement actif à 80 ans, aujourd'hui à Paris, demain à Londres, et bientôt de retour à Vienne, sa ville natale. Il l'a quittée en 1939, à 16 ans, pour la Palestine où il a appris la photographie avec ses camarades d'école. Il y est revenu après-guerre, seul ; sa mère est morte à Auschwitz, sa grand-mère à Terezín.
Depuis son premier contrat pour l'agence américaine Associated Press, en 1947, «une période fascinante, toute l'Europe commençait à se former», il n'a cessé de regarder le monde changer, tout en prenant ses distances avec l'actualité. Son quarante-neuvième livre, Mémoire du temps, rassemble vingt-cinq années de reportage, de l'élection de la première reine de beauté en Pologne communiste, à Rudolf Noureev pendant les répétitions de Tristan à l'Opéra de Paris. Ses photographies sont d'une grande simplicité, sans pathos, même lorsqu'il immortalise, en 1956, la révolution hongroise. Car, à l'instar de ses célèbres pairs de l'agence Magnum, George Rodger ou Robert Capa, sans oublier Henri Cartier-Bresson («Il a un oeil qui ne trahit pas»), Erich Lessing a su garder la tête froide, se présentant non comme un héros ou un artiste, mais comme «un raconteur d'histoires».
Êtes-vous d'accord avec Cartier-Bresson quand il dé