Si Tchekhov laissa dans un tiroir le manuscrit inachevé de Platonov, sa première pièce, écrite à 20 ans, c'est sans doute qu'il la considérait moins comme une oeuvre en soi que comme la mère de toutes les autres, la mine où puiser. Dès les premiers mots «On s'ennuie», la note est donnée, et le décor, qui servira jusqu'à la Cerisaie vingt-cinq ans plus tard : une propriété à la campagne où s'affrontent anciens et nouveaux riches dans une comédie des échecs, amoureux, intellectuels, sociaux et familiaux.
Avec Platonov à la Comédie-Française, Jacques Lassalle aborde pour la première fois, en tout cas en français, le théâtre de Tchekhov. Pour la circonstance, il a commandé à Serge Rezvani une nouvelle traduction, qui a le mérite de la fluidité et l'inconvénient de lisser une langue que d'autres traducteurs rendent plus bouillonnante.
Tempo. Des quatre actes, c'est le premier qui donne à Lassalle le plus de fil à retordre. Dans le salon d'Anna Petrovna, ouvert sur le jardin (toiles peintes avec arbres et motifs champêtres), la journée traîne en longueur, avec des entrées et sorties côté salle qui n'accélèrent pas le tempo, et des personnages qui s'installent au son d'une musique répétitive. Au fur et à mesure, heureusement, le spectacle se resserre et l'oeil est happé vers le centre. C'est-à-dire vers Denis Podalydès qui interprète Platonov, l'anti-héros «sans caractère», victime des passions des autres, oscillant au gré des désirs féminins qu'il exacerbe. Ce que fait ou plutô