envoyée spéciale à Lille
Bill T. Jones fut un chorégraphe militant, qui ne mâcha pas ses mots. Qu'il ait travaillé avec Arnie Zane, son amoureux mort du sida en 1988, traité de la religion dans une fresque mêlant le privé au public (Last Supper at Oncle Tom's Cabin, 1990) ou construit une chorégraphie avec des malades en phase terminale, cela lui valut les foudres des journalistes conservateurs qui le traitèrent de spécialiste du «Victim Art» faisant commerce de la maladie (Still/Here, 1993). Il fut aussi celui qui, en jupette, se dressa en un solo déchirant contre la culpabilité.
Le même, dix ans plus tard, fait l'ouverture de l'Opéra de Lille, joliment rénové (après cinq ans de gravats) dans le cadre de Lille 2004, capitale européenne de la culture. Rien à dire sur l'invitation de cet Américain de 52 ans, qui correspond parfaitement à l'image que l'institution veut donner, comme le signalent les affiches qui, au-dessous des muses, plantent des personnages ordinaires. De là à penser que Bill T. Jones semblait tout désigné pour la circonstance : sa compagnie, bigarrée à souhait (même sans le dodu Larry), respire le bonheur de danser, surtout dans le jubilatoire D-Man in the Waters sur Mendelssohn. Elle a aussi du savoir-faire et de la tenue.
Bon point peut-être pour Lille 2004, mais pour Bill, c'est une autre affaire. Depuis un certain temps déjà disons après Still/Here le chorégraphe s'est appauvri. Sa création 2003, Mercy 10x8 on a Circle, ne paraît pas achevée. Les cours