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Libération
Critique

«Le cadavre vivant» revit.

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publié le 15 décembre 2003 à 2h20

C'est Pétouchkov, le peintre, qui le dit : pour obtenir un beau rouge vif, il faut mettre du vert autour. Fedia, l'écrivain, vient de parler de «contraste» à propos du pur amour de Macha, la belle Tsigane, pour lui le dépravé. Nous sommes au cinquième acte, ils sont saouls, attablés «dans la salle crasseuse d'une taverne», précise Tolstoï. C'est là que Fedia va lâcher son secret : comment, après avoir abandonné sa femme, il l'a poussée dans les bras de son meilleur ami, puis a disparu après avoir simulé son suicide dans la rivière. Depuis, Fedia est un «cadavre vivant». Officiellement mort, sa veuve remariée avec l'ami, il a changé de ville et d'identité. Et, n'ayant ni la vocation de «servir l'Etat, gagner de l'argent et accroître cette saleté dans laquelle nous vivons», ni d'être un héros, il ne lui reste que «le troisième choix : oublier ­ boire, s'amuser, chanter». Fedia le faible a tout raté ­ vie, mariage, amour, suicide ­, tout en restant parfaitement intègre.

Tolstoï a écrit le Cadavre vivant après avoir vu et détesté Oncle Vania de Tchekhov, en janvier 1900. Restée inédite, sa pièce fut mise en scène en septembre 1911, un an après sa mort, quasi simultanément par Stanislavski et Meyerhold. Le traducteur André Markowicz précise dans sa notice (1) que l'oeuvre fut très vite «jouée à travers toute la Russie, puis le monde entier». Ce qui n'empêche que le Cadavre vivant était, en France du moins, bien oublié avant que Julie Brochen ne l'exhume. La directrice du Théâtre d