On l'a vu arriver doucement, sans crier, en novembre, avec un court Drum-solo au Théâtre de la Bastille. Français, Brice Leroux travaille en Belgique, ancien interprète d'Anne-Teresa De Keersmaeker. Cette fois, il s'impose franchement sur la scène chorégraphique avec Gravitations-quatuor au Théâtre des Abbesses. Ce quatuor fait suite à une trilogie intitulée Continuum dans laquelle Brice Leroux explorait les relations entre le corps et le temps. C'est un rituel sans aucune connotation liturgique qu'il nous livre jusqu'à la disparition quasi totale des corps. En quarante-cinq minutes de marche, les danseurs s'emparent d'une chorégraphie circulaire jusqu'au vertige.
Le noir est presque total lorsque l'on pénètre dans la salle. Il n'y a d'autre musique que celle des chaussons traînant légèrement au sol et son rythme obsédant, délicat. Vêtus d'une tunique banche et d'une jupe longue noire, Wendy Cornu, Dolores Hulan, Zoë Knights et Brice Leroux gravitent, à la verticale comme des i. La lumière les confond : on ne verra guère les visages. Tout n'est que signes, graphisme. En dessinant des cercles concentriques, ils évoluent sans charger aucun de leurs mouvements, sans rien exprimer que cette folle joie de tourner jusqu'à l'ivresse. Derviches tourneurs minimalistes, ils n'évoluent pas sur eux-mêmes mais offrent des trajectoires construites mathématiquement sur la variation des cercles. Un seul faux pas et ce serait une collision fatale. Mais non, leur transe connaît bien le chemin