Une console n'est pas qu'une machine impersonnelle : elle se lustre avec le temps, gagne ses galons, se charge progressivement des émotions dont elle a été le transmetteur. Ces expériences forment au fil des jeux une guirlande de souvenirs liés plus ou moins magiquement à la machine qui les fit tourner. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques de la culture du jeu depuis ses origines : au-delà des titres eux-mêmes, les gamers ont toujours investi certaines marques d'une charge affective presque insolite, sans équivalent dans d'autres formes de subculture. Des mots comme «SuperNes» ou «MegaDrive», héroïques bécanes pionnières, sont aujourd'hui encore vénérés comme des mythes, et de nombreux joueurs ont gardé ce réflexe de défendre mordicus une marque contre une autre, non pas du point de vue de sa puissance technologique mais en fonction de l'indéfinissable philosophie ludique intrinsèque qui l'animerait.
Sony a eu beaucoup de mal à s'imposer sur ce terrain symbolique : à la sortie de la PS One en 1994, le monde des joueurs se divisait déjà entre nintendophiles et segamaniaques et considérait d'un fort mauvais oeil l'intrusion d'un nouvel acteur puissant mais sans réputation ni crédit vidéoludiques. Microsoft l'a joué plus fin avec sa Xbox, cherchant avant tout à mettre de son côté les franges les plus rebelles de la culture gamer en valorisant implicitement le côté «facile à trafiquer» de la console et de son mégadisque dur : on fait désormais «pucer» sa Xbox aussi facilem