Moscou de notre correspondante
Vite ! Il faut préparer la soupe, remplir d'immenses marmites, les vider, récurer le sol, nourrir les porcs... Sur la scène, il n'y a encore qu'un seul acteur, mais il s'agite comme tout un bataillon, et la petite salle, pleine à craquer, du théâtre Tabakov est déjà captivée. La pièce s'appelle Soldatiki («les Petits Soldats»). Pendant près de deux heures, ce soir encore, elle va faire rire et pleurer le public russe sur les malheurs de la vie de caserne. Tandis qu'à l'autre bout du pays, en Tchétchénie, l'armée russe s'illustre encore par ses «ratissages» et ses crimes de guerre, à Moscou, sur la scène d'un des meilleurs théâtres de la capitale, on rit de la déliquescence, matérielle et morale, de la troupe.
Carcasse de fusée. Bien qu'écrite en 2001, l'action se projette au temps de l'armée encore soviétique, dans les années 1970, sur une base du Kazakhstan. Les soldats sont censés y lancer des vaisseaux spatiaux, comme le suggère une carcasse de fusée pendue. Mais son tableau de bord, avec sa batterie de cadrans, n'est plus bon qu'à servir de poste de radio pour écouter les vieux tubes pop soviétiques. En fait de conquête de l'espace, les appelés élèvent des cochons. C'est dans ce décor peu héroïque que le sergent Khroust, un benêt lui-même en voie de porcinisation, reçoit la chance de sa vie : une recrue. Grand étudiant binoclard de Leningrad, violoniste et poète, puceau croyant en Dieu, le nouveau s'annonce comme le bizuth idéal pour se taper