Ce soir de mai 1943 à Londres, Anna Marly n'arrive pas à lâcher sa guitare. Le concert pour les soldats est fini mais, dans sa loge, la jeune chanteuse pense à ceux de Smolensk qui se sont mutinés, aux villages qui flambent. Sur les cordes, ses doigts improvisent une mélodie sourde et des paroles en russe lui viennent aux lèvres. Avec ce mot de partisanski qui devient un chant vengeur en anglais, Guerilla Song. Anna a fui Saint-Petersbourg avec ses parents en 1921. Puis la France occupée en 1941. Ici à Londres, elle se bat avec ses armes, en chantant pour le Théâtre des armées ou pour la BBC. Guerilla Song entre dès le lendemain dans son répertoire, et ses premières notes deviennent l'indicatif d'une toute nouvelle radio de la Résistance française émettant depuis Londres, Honneur et Patrie.
Hit international. Comment cette âpre mélopée née de la mélancolie d'une femme russe exilée est-elle devenue le Chant des partisans invoqué avec emphase par André Malraux durant le transfert des cendres de Jean Moulin en 1964, mais aussi une oeuvre dont la paternité est toujours disputée avec véhémence ? Encore tout récemment, l'écrivain et académicien Maurice Druon invoquait ce chant au nom du «gaullisme historique» pour faire barrage à la candidature de Valéry Giscard d'Estaing (tombeur du Général en 1969) à l'Académie française, puis lors d'une virulente passe d'armes dans les pages de Libération (des 15 et 25 novembre) sur la genèse des célèbres paroles.
Devenu l'hymne de la Résistanc