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Libération

Leys à la mer

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publié le 9 janvier 2004 à 21h48

Il est assez curieux, mais somme toute humain, de lire tant de ceux qui, pendant tant d'années, ont ignoré Simon Leys, le célébrer soudain à tort et à travers ­ comme on court après les étourneaux de sa conscience avec un enthousiasme de moribond. L'auteur des Habits neufs du président Mao (1969) est une sorte de petit Voltaire armé de bons sens. Il est installé non pas en Angleterre, mais en Australie : cet éloignement fascine un monde littéraire dont la plupart des embryons ont quelque mal, et on les comprend, à quitter les agréables tiédeurs du placenta parisien. Leys n'a cessé de publier, à temps et à contre-temps, des livres à l'esprit critique, curieux, agressif, enthousiaste, d'un amateurisme encyclopédique ­ en un mot : philosophique au sens des Lumières. Planté à l'autre bout du monde, son phare n'en luit que mieux. Il affole et intrigue les phalènes hexagonales. Son immédiate lucidité sur la Révolution culturelle maoïste le fit mépriser par ceux qu'on appelait alors des intellectuels de gauche, mais aussi par une partie de la droite, puisqu'il dénonçait le mépris de satrape qu'un Alain Peyrefitte professait pour le peuple chinois. De la justesse de ses positions, il reçoit désormais les dividendes en notoriété. Il possède une forme d'esprit clair et solide. On monte à son bord comme dans un canot en bois de teck, un canot de sauvage équipé du nécessaire de survie par gros temps : temps actuel de déroute idéologique, de haines montantes envers les coeurs détachés, s