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Libération
Critique

Claude Louis-Combet. Les enfants terribles.

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publié le 30 janvier 2004 à 22h24

Ça commence dans un grenier où l'on éventre une poupée et ça finit à travers une fenêtre. Il s'agit d'un couple incestueux, fuyant dans son impossible exclusivité, observé avec une précision lyrique au «seul miroir» de son destin : le poète Georg Trakl, né en 1887 à Salzbourg, et sa soeur Gretl, née quatre ans plus tard. Il meurt à Cracovie d'un excès de cocaïne le 3 novembre 1914. Il venait de soigner des blessés à la bataille de Grodek et avait tenté de se suicider. Toxicomane comme son frère, elle se jette par la fenêtre trois ans après sa mort. Des poèmes de Trakl, Rilke écrivait : «On en demeure exclu : l'expérience de Trakl est comme faite d'images dans le miroir et emplit tout son espace impénétrable comme l'espace du miroir.» Pour y pénétrer, Claude Louis-Combet écrit Blesse, ronce noire (titre extrait d'un poème de Trakl, Révélation et anéantissement, écrit en mai 1914). En sept tableaux concentrés, de l'enfance aux décès, il fixe ces deux comètes dans une langue épique et minutieuse. Chaque paragraphe arrête le lecteur : par sa beauté, son mystère, ou sa violence. Le noeud apparaît d'emblée : «Un jour viendra où il n'y aura plus de limite. Vienne ce jour. Toute l'enfance s'y prépare. Elle n'est pas autre chose, du reste.» Mais ce jour ne vient pas, ne vient jamais, et la littérature, cette enfance permanente, ne cesse de le rechercher tout en portant et en développant son deuil. Louis-Combet fait vibrer ce double mouvement. Un des quatre premiers titres de la nouve