Il est arrivé au jeu vidéo l'inévitable, et le provisoirement dramatique : il est à la mode. On dit dramatique au sens théâtral et spectaculaire : le rayon braqué par la société sur le jeu vidéo s'intensifie et semble vouloir zoomer toujours plus profond, au risque de l'éblouissement ou du grossissement déformateur. La bête est auscultée, soupesée, placée sous une veille sociale curieuse et intriguée qui l'expose aussi aux périls médiatiques du phénomène de société. La matière s'y prête d'ailleurs admirablement puisqu'elle a vocation à accueillir et figurer le monde entier, voire au-delà, et que toutes les questions du monde réel peuvent être posées, expérimentées, reconsidérées ou reconstruites dans le monde virtuel du jeu. Sans garantie de réponse, certes, mais la réserve vaut pour les deux termes de l'alternative...
Appliquée aux jeux vidéo, la question de la mode est particulièrement éloquente. S'il est aujourd'hui à la mode, c'est en partie parce que, depuis trente ans, en parfait passager clandestin du monde moderne, le jeu vidéo a lui-même modestement, sourdement et inconsciemment fait la mode, c'est-à-dire participé, dans une marginalité d'autant plus féconde que bien camouflée, à l'élaboration des formes et des styles contemporains. On pourrait ajouter sans risque qu'il influence aussi un certain rapport au corps et qu'il modèle à notre insu, en plus de la mode, les modes de vie.
Comme au cinéma ? La raison principale à tout cela est que le jeu vidéo apparaît aujourd'