Après le Potsdamer Platz à Berlin et le quartier de la Défense («Nekropolis», Libération du 11 octobre 2002) à Paris, la nouvelle installation de Tobias Bernstrup immerge le visiteur dans «X-Seed 4000», la plus haute tour d'habitation jamais projetée. Ce (vrai) projet de la Taisei Corporation est un grandiose immeuble en acier de 800 étages construit sur l'eau dans la baie de Tokyo, censé héberger près d'un million d'habitants. Sa silhouette conique de 4 000 mètres de haut évoque le mont Fuji qu'elle dépasse arrogamment de 224 mètres. On retrouve dans la proposition de l'artiste suédois, qui subvertit les codes du jeu vidéo, son goût pour les architectures glaçantes, les décors urbains désertiques, les ambiances anxiogènes et claustrophobes. Le visiteur arpente cette vision utopique parfaite. Il erre sans but dans ce décor de science-fiction vitrifié, au sol et aux façades luisantes comme des miroirs, quasi vide de toute présence humaine. Une solitude sous haut contrôle. Dès qu'il marche sur la pelouse ou trempe ses pieds dans l'eau des fontaines, les voix synthétiques des systèmes de surveillance le rappellent à l'ordre, renforçant le sentiment paranoïaque. S'il a l'impression qu'il se déplace à sa guise grâce à la souris, il se rend vite compte qu'il lui est impossible de s'écarter des chemins tracés (ascenseur en panne, porte close, cul-de-sac). Quoi qu'il fasse et quel que soit le temps qu'il prenne, il arrive inexorablement là où l'artiste l'attend. Au sommet de l'étouf
Critique
La tour des solitudes
Article réservé aux abonnés
par Marie Lechner
publié le 5 mars 2004 à 23h36
Dans la même rubrique