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Libération

Voyage en aréopage

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publié le 12 mars 2004 à 23h41

Un défilé de mode est un curieux voyage en avion, à cheval entre deux classes. On se mange les genoux dans la promiscuité, assis à la place du mort entre des cons qui vous ignorent, comme en classe économique ; mais ces cons, comme en first, sont des précieux griffés, des hommes d'affaires et des girafes ornementées. Ils vous repoussent dans les limbes de l'antichambre. Ils sont le lierre qui se prend pour le chêne. Dans le couloir illuminé, toujours en retard, apparaissent les sadiques et squelettiques hôtesses de tissu. Elles ne poussent pas de chariots-repas au coeur de la nuit dans des odeurs de poulet au curry. Elles avancent à l'étal sous les spots sans odeur vers le moloch photographique, comme de soyeux travers de côte sauce aigre-douce. D'un côté, la presse ; de l'autre, les autres. La plupart des musiques sont mi-rétro mi-techno recomposées Matrix. La plupart des créatures ont le visage tantôt froncé tantôt dévorant. Elles sont travaillées par un déhanchement mécanique ou voyou, souvent presque laides à force d'androgynie, mais d'une laideur intéressante, une laideur limite, debout, adolescente ou martienne, surjouée en tout cas, une laideur en méchanceté d'amazone des centres-ville ou de répliquante au boulot. Elles appellent moins le lit que le cercueil, le vaisseau spatial ou la planche à clous.

Armée de seconds rôles.

Mais le premier spectacle est ailleurs. Non pas dans cette pièce montée, mais dans ses chutes : le public de journalistes et mondains de tous poils