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Libération
Critique

La pépite «Soy Cuba»

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publié le 19 mars 2004 à 23h49

Martin Scorsese est catégorique : «Si Soy Cuba avait pu être montré au public en 1964, le cinéma du monde entier aurait été différent.» Film de commande censé glorifier la jeune révolution castriste en pleine guerre froide, le chef-d'oeuvre de Mikhaïl Kalatozov ne fut jamais projeté à Cuba, ni en Union soviétique, ni a fortiori dans les pays occidentaux. Il fallut attendre la perestroïka pour que le film puisse franchir les frontières, et être présenté pour la première fois aux Etats-Unis, en 1992, au Festival de Telluride. C'est peu après que Scorsese et Coppola l'ont découvert, puis ont tout fait pour lui donner une nouvelle vie.

Fonderie marxiste. La réaction des deux cinéastes américains est compréhensible. Quiconque découvrira Soy Cuba dans cette édition DVD de luxe (en noir et blanc impeccablement restauré, appareil critique de haute volée) s'exposera à un choc esthétique comme il en a rarement connu : la sensation d'assister en direct à ce que Scorsese, dans une interview en bonus, appelle «une redéfinition totale du langage du cinéma». Le personnage principal de Soy Cuba, ce n'est pas Cuba, c'est encore moins la révolution des «barbudos», mais la caméra du chef opérateur Sergueï Urusevsky. Elle tangue comme si elle se trouvait dans un hamac ou une balançoire, glisse sur l'eau, plane dans les airs, en un mouvement permanent qui vient relativiser, sinon contredire un discours a priori brut de fonderie marxiste.

Deux scènes au moins défient l'entendement par leur exploit