Les créateurs les plus transgressifs du XXe siècle sont des créatrices. Vive comme une Italienne, fière comme une Romaine, Elsa Schiaparelli cernait son visage d'un incroyable turban et se parait de bijoux barbares auxquels elle attribuait des pouvoirs magiques. Elle mettra la mode des années 30 à l'heure du surréalisme. Sous ses allures de dame anglaise loufoque, grand-mère punk rangée des voitures, Vivienne Westwood cache une ironie dévastatrice. A Londres et à Paris, deux expositions rendent hommage à ces autodidactes. Portraits croisés de deux icônes de l'avant-garde.
Destins réaiguillés
Rien ne prédestine Elsa Schiaparelli, née en 1890 dans une famille d'aristocrates intellectuels romains, au métier de couturière. Elle épouse à 30 ans un théosophe qui lui fait une fille et, dans le même temps, la trompe avec Isadora Duncan. La jeune mère quitte son époux pour Paris désenchantée, désargentée, seule mais libre. En 1927, remarquant sur l'amie américaine qui l'héberge un chandail fantaisie, elle a l'idée d'en faire réaliser avec ses propres dessins. Tricotés par une réfugiée arménienne, ses motifs en trompe-l'oeil manifestent un attrait pour le bizarre. Le premier s'orne d'un noeud lavallière. Un autre évoque un squelette. Schiap lance les collections à thèmes, «païenne», «papillon», «astrologie». Le cirque lui inspire le plus tumultueux de ses défilés un show déjà , acrobates et clowns surgissant des escaliers et des vitrines. Son goût pour la parade se déchaîne dans l'invention d'accessoir