Un sélénite est un habitant de la Lune. Patrick Gibault, chef du restaurant bordelais qui porte ce nom, doit plutôt être du genre martien pour avoir réinstallé son Sélénite, d'abord créé en 1995 au Théâtre du Port de la Lune, dans la nouvelle ZAC des Chartrons. Avec son épouse Nadine, il a opté en mai 2002 pour cet îlot post-industriel en reconversion, entre HLM, chais réhabilité et immeubles en chantier. Mais tout proche des quais «retrouvés» de la Garonne. Dans ces murs tout neufs, aucun fond de sauce du passé. Tout est à créer.
Etranges lucioles. De jour ou de nuit, été comme hiver, des traits de couleurs vives fusent de cette table entièrement vitrée. Comme d'étranges lucioles attractives dans cet environnement gris ocre. Pas de surdécoration dans l'agencement des designers Jean-François Dingjian et Sylvie Fillère (1). Les lampes Tutti-frutti très bigarrées, simples feuilles de papier-calque, dansent au-dessus des tables carrées. Dans cette «cantine» réinventée qui se fait vite familière, les Air Chairs de Jasper Morrison ont trouvé d'emblée leur statut de nouvelles chaises de bistrot. Dès les premières entrées servies, l'adéquation entre décor et cuisine atteint les papilles.
Terrine de joue de cochon et foie gras, coulis de figue et roquette, brioche maison : un jeu d'opposition de couleurs, entre les roses et les verts, mais aussi de textures, une tension entre salé et sucré, amer et acide... La présentation sur assiette blanche est lisible, et les parts sont généreuses