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Libération

Rwanda le massacre en face.

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Dix ans après le génocide, représentation à Kigali de «Rwanda 94», six heures de théâtre et de musique qui confrontent la population à son traumatisme.
publié le 14 avril 2004 à 0h13

Kigali, de notre correspondant.

La scène est intime. Peu théâtrale même. Assise sur une chaise dans un coin de l'estrade, une femme annonce la couleur : «Je ne suis pas une comédienne. Je ne suis qu'une survivante du génocide.» Yolande Mukagasana, qui a perdu son mari et ses enfants lors des massacres de 1994 au Rwanda, entame son témoignage. Celui qu'elle a consigné dans un livre (La mort ne veut pas de moi, éd. Fixot, 1997).

Elle l'a déjà fait des dizaines de fois. Mais, aujourd'hui, quelque chose est différent. Elle est chez elle, devant les siens, rwandais en immense majorité, souvent rescapés. Pour la première fois, Rwanda 94, une pièce sur le génocide créée par la troupe belge Groupov, est jouée, en français (avec traduction simultanée en anglais et en kinyarwanda), dans le pays qui l'a tragiquement inspirée. Il aura fallu attendre cinq ans entre la création du spectacle au Festival d'Avignon et son arrivée au Rwanda, pour sept représentations, à Kigali et à Butare. Et il aura fallu attendre le dixième anniversaire du génocide.

Essentiel. La salle de Kigali, où se joue la pièce, est pleine à craquer. Ses 500 places n'ont pas suffi à accueillir ceux qui se pressaient à l'entrée. Pour eux, c'est un moment douloureux, mais essentiel. Quand Yolande Mukagasana raconte son histoire, ils entendent la leur. Comme elle, ils se sont cachés, entre avril et juillet 1994, pendant que 800 000 d'entre eux étaient tués. Comme elle, ils ont vu des proches massacrés à coups de machette. Co