C'est un drôle d'oiseau qui a éclos dans une rue perdue du XVe arrondissement de Paris. Justement, la rue des Morillons est historiquement connue des Parisiens pour son centre des objets perdus, et ses dizaines de milliers de trousseaux de clés et de portefeuilles en déshérence. Il y a aussi un abattoir qui s'y est perdu, si bien que le jardin public qui a pris sa place est gardé par de monumentales statues de bovidés. Et, dans un coin, il y a le clos Morillon, un bistrot comme on les aime.
Maestria. Le drôle d'oiseau, c'est le chef, Vincent Bénéteau, 36 ans. Il ne fait rien comme les autres. Presque tous les cuisiniers en France accordent tous leurs soins à l'agneau ou au turbot, en perdant de vue les légumes. Cette situation s'est à peine améliorée depuis la cuisine minceur d'un Michel Guérard ou les premiers menus végétariens d'un Ducasse. Passard, Veyrat, Gagnaire, Bras, Charial, Anton, Bardet... ils se comptent sur les doigts des deux mains ceux qui intègrent le végétal dans leur pensée culinaire. Or, c'est le cas de ce jeune chef, à un point à la fois passionnant et déconcertant, puisque toute sa création semble concentrée dans ses préparations légumières. Et il fait très fort, en utilisant avec maestria des légumes et des épices exotiques. Il combine chou-fleur et crème d'amande. Il remet au goût du jour les racines perdues, comme le rutabaga ou le topinambour. Il vivifie des pois concassés au piment d'Espelette. Il s'imprègne des vents du large, insinuant un parfum de