A quoi servent les photographes professionnels ? La guerre d'Irak est le premier conflit moderne qui semble se passer d'eux. Les photos essentielles du conflit celles qui en donnent le sens et en déterminent le cours sont le fait d'amateurs : les soldats américains tortionnaires et m'as-tu-vu sont des spectateurs engagés. On ignore dans quel cadre exact leurs photos ont été prises ; comment elles ont circulé ; par quels canaux surtout, et avec quelles arrière-pensées, elles furent révélées et distribuées. Mais, en tout cas, elles ont été faites par des touristes d'un nouveau genre. On a beaucoup ri sur les touristes, leur absence de goût, leurs nombrils en bandoulière, leurs appareils jetables et leurs manières de ne reproduire que des cartes postales. Ce rire semble un peu daté. D'une part, les touristes ont progressé comme les autres. Ils ne cessent de regarder des images. Beaucoup ont appris à cadrer, à se servir de la lumière, à saisir une scène sur le vif : ils ont compris la vitesse, le savoir-faire, la distance et l'indiscrétion. Ce ne sont ni des artistes, ni des professionnels, mais ce ne sont plus des innocents. Ils savent ce qu'ils font et connaissent de mieux en mieux les possibilités techniques et bientôt , politiques de leurs engins. D'autre part, le numérique leur a donné la grâce étrange de rétrécir le monde. Ce que l'un prend à Auckland, l'autre le voit à Paris dans les secondes suivantes. D'une certaine façon, nous sommes tous devenus des touristes
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