Toute discrète. La plupart des passants la zappent. Mais ceux qui l'ont repérée ne peuvent pas oublier la première fois : «Depuis, je peux y laisser dans les cent euros chaque semaine», souligne Frédéric. «Je mets un pied là-dedans, j'y reste la journée ! J'ai pas le temps», pense à voix haute Mat, les yeux rivés sur la vitrine. Il s'éloigne. «Ici, ça a été ma plus grande rencontre avec mon public», résume Nan Goldin quand elle revient sur sa dernière dédicace parisienne fin 2003. Ici, c'est cette échoppe de l'étroite rue Charlot (Paris IIIe). Ici, c'est le 213. On dira plutôt chez Antoine de Beaupré, libraire ès photos. Ici, c'est un riquiqui 30 mètres carrés sur deux étages bas de plafond poutré.
Coup de foudre. Surtout, c'est plein de Robert Franck, de William Egglestone, et d'Irving Penn, de William Klein et de Lartigue... L'histoire de nos XXe et XXIe siècles en photos. De la couleur, du noir et blanc, sur fond de jazz. Néophyte, passant, amateur... franchis la basse porte et entre ici : l'homme de la maison, poupon de 32 ans aux yeux laser, assis à sa table face à un i-book et des piles de livres, n'attend pas le professionnel. Plutôt l'ignorant. En fait, Antoine de Beaupré rêve de le dépuceler. «Mon truc, c'est celui qui entre ici par simple curiosité, me pointe un livre et me dit : "J'aime ça." Là, je prends mon pied à lui faire découvrir d'autres oeuvres, dans la continuité de ce qui le fait rêver.» A l'image de ce coup de foudre qu'il a eu pour la photo il y a plus