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Libération
Critique

Dynamythes à Montreux.

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publié le 14 juillet 2004 à 1h26

Montreux (Suisse), envoyé spécial.

Assis à la gauche de sa femme Deborah, dans la loge de Claude Nobs, qui rêva voici trente-huit ans le plus chaleureux des festivals, Carlos Santana, héros de la pluvieuse édition 2004, mâche intensément son chewing-gum (ou s'agit-il de quelque chose de plus aztèque ?) en s'ébaubissant des exploits d'une de ses idoles, l'espiègle Buddy Guy, dernier Parrain blues de Chicago.

C'est qu'avant le triomphe afro-cubain de Woodstock, qui, sans attendre Marley, laissa voir aux musiciens du tiers-monde, de Salif Keita à Khaled et aux Gipsy Kings, qu'il était possible de faire carrière internationale en jouant des polyrythmes (Soul Sacrifice, Jingo) et en s'exprimant autrement qu'en anglais (Samba pati, Oye como va), le jeune et timide chicano d'Aquarius Park, à San Francisco, ne jurait que par le blues.

Tenues aiguës. Trente-six ans après ses débuts sur les parquets des «dances» hippies de la Bay Area, à la tête de son Santana Blues Band, le voilà servi. Entre le nouveau prodige Bobby Parker et le vétéran acariâtre mais doué Clarence «Gatemouth» Brown, Carlos Santana assiste à un numéro ébouriffant de spectacle américain vernaculaire : alternant avec une dynamique consommée et proprement jubilatoire notes et phrases susurrées, puis longues poussées phalliques de tenues aiguës à retourner les tripes, Buddy Guy hilare, veste grenat et bob blanc, réclame pour lui, pour le blues, un héritage dont le rock s'empara, et qu'il a semble-t-il désormais oublié.

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