Chaque aube que Paris fait, une file d'attente se forme devant une boutique du carrefour des Gobelins et de la rue Monge. Le meilleur boulanger de Paris se trouve là. Du moins est-ce l'avis de Steven Kaplan, historien, auteur d'un ouvrage de référence sur la place du pain dans la symbolique et l'histoire de la société française (1). Intarissable, un regard malicieux derrière de fines lunettes, Steven Kaplan est le type même d'Américain qui croit en savoir plus sur Paris que les Parisiens eux-mêmes. Evidemment, il a raison. Partisan de l'histoire totale, il a tant arpenté le bitume qu'il en devient imbattable.
Fort de cette connaissance empirique, il a publié avant l'été un guide des meilleures boulangeries de la capitale, qui manque malheureusement d'un index de référence. Ponctuant sa longue introduction d'un vigoureux appel «au peuple panophile», l'auteur explique comment il attribue ses notes, sur 20: 3 points pour l'aspect, autant pour la croûte et la mie, un point pour la mâche, cinq pour les arômes et autant pour les saveurs. Un système d'apparence hautement scientifique pour une préparation bien aléatoire, contradiction qui n'a pas dû échapper à l'intéressé. «Rien n'est plus difficile que de maîtriser une fermentation», concède-t-il, si bien qu'un pain peut être réussi un jour et moins le lendemain, à la moindre variation de température ou d'humidité par exemple.
En tout cas, la méthode a du bon puisqu'elle conduit le lecteur rue Monge, qui compte les deux seuls boulang