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Libération
Interview

Demain, chacun fera sa musique

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iPod. Jean-Louis Murat, auteur-compositeur-interprète
publié le 17 septembre 2004 à 2h11
(mis à jour le 17 septembre 2004 à 2h11)

Je n'ai pas d'a priori contre le numérique. C'est vain pour un artiste de lutter contre le progrès. Je pense, en revanche, que c'est mortel de dématérialiser la musique, car c'est un univers très lié au fétichisme de l'objet. Sans compter que le jour où chacun aura son engin avec mille chansons dedans, il faudra se les écouter. Moi, un 45 t de vinyle, je commence à en penser quelque chose au bout d'un mois quand je l'ai entendu 25 fois : comment on peut avoir un avis sur un truc qu'on a écouté une fois ou deux ? Avec le numérique, on n'a pas assez de recul pour se rendre compte de ce qu'on gagne, et on sent qu'on ne fait que perdre quelque chose, par rapport aux vinyles de notre enfance par exemple, mais c'est délicat d'extrapoler : on n'enclenche que la machine nostalgique, soit le meilleur moyen de passer pour un con. Nous, quand on était gamins, on nous a assez cassé les couilles avec le discours : «Dans les années 30, les poires avaient un meilleur goût.»

Ça va disparaître, des artistes comme moi, c'est naturel. Les Grecs qui chantaient sur l'Agora à Athènes, ça a bien disparu, la musique au luth, les pétomanes, le monde de Charles Trenet, de Tino Rossi, l'énergie des Stones : envolés. Demain, il y aura un nouveau type d'homme, un nouvel Homo sapiens sapiens, «digitaliste». Chacun fera de la musique. Quand tu auras une mélodie dans la tête, tu poseras un casque dessus qui sera capable de l'enregistrer, et cette musique t'accompagnera toute la journée. Il existe déjà des a