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Libération
Critique

La dérive des canapés

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publié le 24 septembre 2004 à 2h16

Dans le Marais, au même moment, deux canapés en cuir capitonné pourraient se regarder en chien de faïence. L'un, boulevard du Temple, à l'hôtel Murano, est un très long Chesterfield blanc adossé au feu du bar. L'autre, Pools & Pouf ! de Robert Sadler, est exposé près du musée Picasso, à la galerie Dominique Fiat. Il est aplati à terre, comme un vieux continent détruit dont quatre récifs (pouf, flaques, coussin) partent à la dérive. Ces deux pièces symbolisent les positions extrêmes dans laquelle se situe le design. D'un côté, le lifting permanent des classiques ; de l'autre, l'utopie d'une disparition de cet art industriel. C'est ce dessein que poursuit le designer Robert Sadler (un des trois Radi Designers) qui présente ici sa première exposition d'électron libre intitulée «Lost and Found». Pas de «no future» dans son constat. Et c'est là son paradoxe. Il disserte sur l'effacement de l'objet canapé tout en le rematérialisant de manière très esthétique, luxueuse, bien rembourrée. «C'est comme un goudron qui fondrait, une lave noire qui se répand, explique-t-il. C'est un arrêt sur un processus de destruction qui est en route.» Après la première impression de mélancolie brutale qui s'échappe des capitons affaissés, Pools & Pouf se stabilise très vite comme un ensemble d'assises fonctionnelles, tout à fait récupérables dans un (grand) intérieur bourgeois. Voire au Murano. Sadler le sait. Cette magnifique pièce a déjà trouvé sa place dans l'histoire du design, elle a été achetée