Alors que, de Yamamoto à Sophia Kokosalaki, les créateurs rendent cette saison hommage à madame Grès, cet été la dernière boutique de la griffe fermait ses portes dans l'indifférence générale. L'agonie fut longue et symptomatique du crépuscule d'une certaine couture française. Prise de soubresauts, la maison a tenté trois come-back avec trois stylistes depuis dix ans. Les soucis remontent pourtant à loin. Icône de mode au visage cerné d'un turban, madame Grès ouvre sa maison en 1941. Elle se singularise dans l'art des drapés à l'antique. Chaque pli de deux millimètres est épinglé, avant d'être cousu à la main : 300 heures de travail pour une robe ! Attachée au savoir-faire artisanal, madame Grès se refuse à se lancer dans le prêt-à-porter avant 1982... En 1984, face à des difficultés financières, elle cède sa maison à Bernard Tapie, qui la revend en 1986 à la maison Jaques Esterel, laquelle la rétrocède au groupe Japonais Yagi Tsusho. L'activité couture est abandonnée, restent les parfums et une flopée de sinistres licences. La couturière s'éteint dans l'oubli en novembre 1993, et son décès n'est révélé qu'un an plus tard par un article du Monde. Le désastre ne s'arrête pas là ; la société Jacques Esterel met en vente chez Sotheby's les archives de la maison. Ce patrimoine exceptionnel aurait pu partir en fumée si Jacques Brun, repreneur d'Esterel en 1998, ne décidait de stopper la vente. Remise en état, cette collection récupérée dans des sacs-poubelles est pour la première
Critique
La chute de la maison grès
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publié le 15 octobre 2004 à 2h35
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