Qui sont les deux cinéastes new-yorkais par excellence, dont l'oeuvre a un besoin vital de la ville et de sa frénésie ? Woody Allen bien sûr, mais aussi, dans un registre plus trash, Abel Ferrara. Edité pour la première fois en DVD onze ans après sa réalisation, Bad Lieutenant reste l'un de ses films les plus emblématiques, l'un de ses plus convaincants aussi malgré ses pénibles relents de christianisme mal digéré, sa fâcheuse tendance à se prendre pour un Dostoïevski de la 42e Rue. Incroyable de souffrance et d'animalité dans le rôle-titre, Harvey Keitel incarne un lieutenant de police vraiment bad : il escroque ses collègues dans des paris clandestins, boit, sniffe, se shoote et plus si affinités, tout en enquêtant de manière pas vraiment orthodoxe sur le viol d'une religieuse. Pour suivre le flic maudit dans son chemin de croix, Ferrara arpente le New York de la déglingue qu'affectionnaient déjà les cinéastes antihollywoodiens des années 70, le John Schlesinger de Midnight Cow-Boy ou le Jerry Shatzberg de Panique à Needle Park. Le film, comme l'explique l'universitaire Nicole Brenez dans le livret érudit qui accompagne le DVD, a été tourné en décors réels, soit dans les ruelles du Bronx, dans les avenues de Manhattan, dans la grande gare routière et devant le Trump Plaza pour la scène finale, avec toutefois une petite escapade dans le New Jersey : aucun lieu de culte du Spanish Harlem ne faisant l'affaire, c'est une église polonaise de Jersey City qui a fait office de bas
Critique
«Bad Lieutenant», descente dans la 42e Rue
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par Samuel DOUHAIRE
publié le 29 octobre 2004 à 2h46
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