Morand, Céline. Depuis eux, rien n'a vraiment changé. Nous regardons New York avec leurs yeux, même quand on n'a pas lu leurs livres. Le premier publie son New York en 1930. Que voit-il ? Le commerce, le mouvement, la rapidité, le mélange. Son oeil de faucon sensuel fouette la nouvelle Mecque de l'échange. Le second publie Voyage au bout de la nuit en 1932. Ferdinand Bardamu débarque de l'Infanta Combitta en vestige fiévreux, ricanant et minable de la vieille Europe coloniale. Et que voit-il ? «Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York, c'est une ville debout.» Et plus loin : «Mais chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là, l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur.» Ces phrases n'ont pas bougé : c'est toujours la France à plat devant New York, à plat de taille et d'émerveillement. «New York, c'est une ville debout.» Pourquoi ces mots ont-ils cette postérité ? Parce qu'ils résument tout : slogan physique, existentiel. Depuis quatre-vingts ans, on pénètre là-bas tête vers le haut en marchant sur des oeufs de Pâques. Des enfants allant et venant entre de belles jambes froides et aérées. Après 1945, quelque chose change. Le cinéma, la victoire, le jazz, l'Art, tout est passé par là. Grande exportation des lumières de la ville. New York n'est
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