Dans les folles années quatre-vingt, les visages des quatre otages français au Liban apparaissent chaque soir, pendant trois ans, en ouverture des journaux de 20 heures. Les otages deviennent des héros malgré eux. Nul autre vivant, pas même un conjoint, un enfant ou un chat, ne peut alors se vanter d'entrer à ce point dans la conscience quotidienne du citoyen sur canapé. Leurs photos s'éternisent à l'heure du sacrement mou. Ce sont les attriste-gueules, les sombres apéritifs : le malheur qu'elles symbolisent fait contrepoint à la légèreté des consciences. Le citoyen est un élève dissipé : la compassion et l'angoisse exigent des habitudes. Peu à peu, il bruine une certaine tristesse, un accablement discret. On ôte son chapeau avant d'entrer chez la duchesse actualité. On essuie ses pieds avec ses larmes. Sous la mine de circonstance, on a un petit rire plein d'excuse, comme si, tout en sachant que le sort des otages ne dépend pas du nôtre, on devait s'excuser de n'être pas à leur place et de continuer à vivre sans eux. Vingt ans plus tard, les otages français en Irak ne sont que deux. Leur chauffeur syrien, ce meilleur ami de l'homme occidental, a été libéré. La messe, elle, s'est déplacée. Les photos apparaissent bien à la télé. Mais c'est au petit matin, sur Radio France, que les fantômes révèlent désormais leur époque. Chaque jour, une célébrité quelconque saisit l'auditeur dans la déroute matinale parfumée de café. Elle délivre son message. Le fameux «Tant qu'ils sont ota
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