Avec le talent on fait ce qu'on veut, disait Ingres, et, avec le génie, ce qu'on peut. Il en avait beaucoup de talent, Egon Schiele : il perce dès ses dessins d'enfant, et éclate dans les études académiques qu'il réalise aux Beaux-Arts de Vienne. Il eût pu, à force de travail, faire des «progrès» jusqu'à devenir un «grand peintre». Mais c'est le génie qui l'a emporté : aussi n'a-t-il pas fait ce qu'il a voulu, pas même appris à vivre sa courte vie de vingt-huit printemps, et s'est trouvé «possédé» par une force créatrice capable de transformer en sublime oeuvre picturale n'importe quelle esquisse, n'importe quel trait de crayon, une énergie sans égale, à la fois chtonienne et lunaire, irradiant plusieurs centaines d'huiles et près de trois mille dessins et aquarelles. Les oeuvres sur papier (nus, autoportraits, portraits d'amis, de critiques et de collectionneurs, de sa mère, de son oncle Czihaczek, de ses soeurs Gerti et Mélanie) sont présentées ici en ordre chronologique, de 1907 à 1918. Cela rend visible bien plus qu'une évolution stylistique et technique pourtant foudroyante : les à-coups du génie, semblables aux coups de marteau avec lesquels Nietzsche philosophait, qui, dans une kyrielle d'obsessions, les fêtes tristes et immobiles des sexes, une orgie de corps torturés, émaciés, atrophiés, conduisent le peintre autrichien vers ce qui se représente à peine, l'indicible peine, la pure insupportabilité d'être là. Qu'on s'arrête à l'Autoportrait la main sur le visage (g
Critique
Egon Schiele, Dessins et aquarelles
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par Robert Maggiori
publié le 3 décembre 2004 à 3h17
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