Et maintenant, comme si les autres ne suffisaient pas, revoilà Raymond Barre. Dans le Figaro du 14 décembre, comme d'habitude, il plaint la France. A 80 ans, Barre a toute la sagesse d'un mort. Qu'est-ce que la sagesse, pour un mort ? Une prédiction doublée d'amertume. Le mort au travail porte ses regrets à la boutonnière. Tel certain médecin de Molière, il n'apparaît jamais sans son latin, ses menaces et ses clystères. Il est atteint du complexe de Cassandre. Il couvre de vices non pas sa tête, mais celles des autres : de ces vivants qui gaspillent, s'amusent, renâclent, paressent, flânent, doutent et protestent. Le mort porte costume, gris. Il fait la morale, dénonce le déclin, signale la médiocrité du peuple, appelle au travail, à la famille, à la patrie renaissante : on appelle ça le «franc-parler». C'est son emploi, sa panoplie de tristesse. Il est aussi content de lui que mécontent des autres, surtout s'ils sont inférieurs. Il veut les redresser. D'ailleurs, il va souvent à la messe. La France est pleine de ces morts-là. Ils prêchent à longueur de pages et d'ondes l'impossible, la terrible, la nécessaire Réforme. Barre est un peu leur maître. La société lui porte sur le foie. Elle travaille sa mélancolie et nourrit sa nature. Il y a un orgueil remarquable à n'apparaître qu'en rabat-joie distributeur de leçons, à prétendre incarner le réalisme au milieu des sirènes ; plus qu'un orgueil : une névrose. Elle est répandue. Il existe aujourd'hui une hystérie du châtiment éco
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