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Libération

La grosse galette

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publié le 7 janvier 2005 à 23h28

Désormais, les galettes devancent les rois mages : elles font de l'éjaculation de négoce, comme tout le monde ; elles anticipent les désirs qu'elles saturent. Dans les supermarchés, elles occupent les rayons bien avant le 6 janvier, date de l'apparition des trois généreux donateurs orientaux. A Auchan, elles s'entassent en tête de gondole, sous plastique dur, gorgées de beurre, de frangipane ou d'autres saveurs, comme la pomme. Tout produit doit être décliné, adapté au sucre et aux parfums de l'enfance éternelle. Mais le nouveau est ailleurs : dans la couronne et la fève. Sur la première, d'une hideur rouge et jaune, il y a des étoiles kitsch, une guitare électrique, des trophées aux reflets d'or. Une énorme inscription en donne le sens : Star Academy. Au revers, la boîte de production de l'émission, Niouprod, a imprimé son sceau. La fève est le fauteuil rouge où s'assoient les petits chanteurs à la croix de lumière lorsqu'ils doivent confesser leurs doutes et leurs angoisses. Là aussi, un petit «Niouprod» rappelle la marque du maître. Il y a longtemps que le commerce de la fève s'adapte au goût de la jeunesse et des imbéciles majoritaires. On y a vu passer, entre autres, les figurines Disney. Nichés dans la pâte, les fantômes commercialisés de l'air du temps trouvent ici un solide cheval de Troie. La vieille fève date du temps des Romains ; elle a disparu depuis longtemps. Les santons et autres Jésus de porcelaine sont devenus rares. Ils occupent les galettes de tradition,