L'anti-antisémitisme est-il un humanisme ? Il semble en tout cas devenir un signe implicite de vertu. Celui qui démasque l'antisémite rappelle d'abord au monde que lui ne l'est pas ; et à quel point il mérite d'être ce qu'il prétend : il a une belle image de lui-même. L'anti-antisémitisme était un combat ; l'époque en fait un narcissisme. Vous sentez qu'il pourrait vous poser en honnête homme dans un monde qui l'est assez peu. Cette sensation morale est venue lentement. Chaque matin au réveil, vous entendez une voix de radio, n'importe laquelle, dénoncer d'un ton ourlé d'indignation et d'angoisse la bête larvée. Ensuite, buvant votre café, vous tombez sur un article enquêtant sur un nouveau cas. Puis, dans le courrier des lecteurs ou les pages d'opinion, il y a cette lettre ouverte ; de bons esprits y désignent de mauvais, d'immondes, dont vous ignoriez jusqu'aux noms. La douche vous détend un moment. Cependant, les voix reviennent. A la radio, c'est maintenant un artiste qui, tout en vantant sa dernière oeuvrette, tremble de mémoire et de vigilance. D'autres suivent et vous poursuivent. Consciences dont les plus intimes combats recoupent étonnamment l'échéance de l'actualité et des commémorations. Devant le miroir discrètement éclairé, vous vous inquiétez : «Ne serais-je pas un peu antisémite, moi aussi ? Combien ai-je ou ai-je eu d'amours et d'amis juifs ?» Mais là, vous vous taisez : vous savez que ce décompte est une circonstance aggravante ; seuls les antisémites compte
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